Comment faire de l'école catholique un instrument de paix dans la région des Grands Lacs ?

Comment faire de l'école catholique un instrument de paix dans la région des Grands Lacs ?
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Séminaire régional organisé par l'Institut Pacte Educatif Africain

Du 17 au 19 février 2025, l’Institut Pacte Éducatif Africain, organe chargé d’appuyer les conférences épiscopales à implémenter le Pacte Éducatif Africain signé à Kinshasa, le 06 novembre 2022, et présenté au Saint-Père, le 1 juin 2023, a organisé un séminaire régional portant sur le thème : « Réflexions sur les missions de l’école catholique dans la perspective du Pacte Éducatif  Global du Pape François et du Pacte Éducatif Africain ».

Sous l’inspiration du Pape François, le Pacte Éducatif Africain  a été élaboré. Celui-ci présentent les orientations devant être la base à partir de laquelle les différents domaines à travers lesquels l’Église catholique accomplit sa mission éducatrice sont appelés à se renouveler et à se renforcer, dans le but de contribuer à l’évènement d’une Afrique meilleure, à l’heure des conflits et des guerres fratricides, de la corruption, des inégalités sociales, de l’exploitation abusive des ressources naturelles, etc. Soulignons que l’école, pour l’Eglise, occupe une place de choix à côté des domaines de la catéchèse, de la liturgie, des mouvements de jeunes, etc. Ce séminaire a rassemblé les délégations venus principalement des conférences épiscopales du Burundi, du Rwanda et de la République Démocratique du Congo.

L’Église Famille de Dieu réunie au sein de l’Association des Conférences Épiscopales de l’Afrique Centrale (ACEAC) s’engage en faveur du dialogue afin de trouver une solution durable aux conflits prévalant dans la région des Grands-Lacs. Dans le même esprit, l’Institut Pacte Éducatif Africain a organisé un séminaire pour encourager des réflexions sur les missions de l’école catholique à la lumière du Pacte Éducatif Africain afin de faire de l’école catholique un instrument de changement, de la paix et du vivre ensemble dans cette région d’Afrique souffrant des conflits armés depuis plusieurs décennies.

Reprenant les propos du cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa en République Démocratique et président du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar, prononcés lors de l’homélie pendant la messe clôturant le tout premier congrès africain sur l’éducation catholique, tenu à Abidjan en Côte d’Ivoire, du 7 au 10 décembre 2023, le coordinateur de l’Institut Pacte Éducatif Africain a précisé que l’école catholique doit se remettre en question parce que beaucoup de responsables des politiques qui endeuillent les populations africaines sont passés par l’école catholique. L’Institut Pacte Éducatif Africain, dans cette perspective, doit œuvrer pour faire de l’éducation catholique un instrument de changement radical en Afrique. Pour cela, il est appelé à appuyer l’école catholique, entre autres, pour en améliorer la qualité et la contribution de l’éducation scolaire catholique dans la préparation d’un avenir meilleur. Précisons que la République Démocratique du Congo compte plus de 22000 établissements catholiques, au moment où le Burundi en compte plus de 700 et le Rwanda en dénombre plus de 1300.

En ouvrant ce séminaire, le Professeur Bernhard Grümme, premier vice-président Nord de la Fondation Internationale Religions et Sociétés, laquelle institution appuie la mise en pratique du Pacte Éducatif Africain, a rappelé l’importance de la collaboration et de l’entraide entre le Nord et le Sud dans le processus visant à appuyer les Églises d’Afrique à implémenter les grandes lignes du Pacte Éducatif Africain. Alors que les fractures entre le Nord et le Sud ne cessent de prendre de l’ampleur sur le plan politique, économique et culturelle, la Fondation Internationale Religions et Sociétés soutient l’idée selon laquelle la communion et la fraternité entre les peuples doivent être renforcées en vue du renforcement de l’éducation. Ensemble, nous sommes plus forts, a-t-il précisé.

Répondant au questionnaire qui leur était envoyé auparavant, les délégations venues du Burundi, de la République Démocratique du Congo et du Burundi, ont unanimement identifié la question de la violence et des conflits  comme étant le principal défi auquel l’école catholique devrait chercher à remédier. Les apports théoriques apportés par Monsieur Etienne Michel, secrétaire général de l’enseignement catholique de la Belgique francophone (2004 – 2024), ont permis aux participants, de prendre conscience des difficultés et des obstacles empêchant l’école catholique, dans les contextes du Rwanda, du Burundi et de la République Démocratique du Congo, à s’acquitter de leurs missions d’assurer les apprentissages rigoureux et de bonne qualité pour chaque enfant, d’une part, et d’autre part, de former tous les élèves pour en faire des citoyens capables de contribuer à l’avènement de la paix dans la région des Grands-Lacs.

Le professeur Bernhard Grümme a montré, à partir des inégalités occasionnées par la digitalisation, que l’école catholique doit chercher à faire face aux différentes formes d’injustice qui affectent l’éducation tout en éduquant à reconnaître les structures des injustices auxquelles est connectée l’école. Dans la même perspective d’apports théorique, le professeur Jean-Paul Niyigena, coordinateur de l’Institut Pacte Éducatif Africain, a présenté aux participants les trois formes de crises auxquelles le Pacte Éducatif Africain cherche à répondre, dans sa partie concernant l’école catholique. Il s’agit de la crise de la fraternité, de la crise du bien commun et de la crise de l’environnement. Ces trois formes de crises sont d’actualité dans cette région des Grands Lacs.

Dans son discours adressé aux organisateurs et aux participants de ce séminaire régional, Monseigneur Vincent Harolimana, évêque de Ruhengeri et premier vice-président de l’Association des Conférences Épiscopales de l’Afrique Centrale (ACEAC), est revenu sur le contexte sécuritaire qui prévaut dans la région des Grands Lacs pour mettre en valeur le rôle de l’Église dans une telle situation.. S’inspirant du concile Vatican II (Lumen Gentium 6), le prélat a rappelé que l’Église est appelée à être un signe et moyen de l’unité du genre humain. En cela, l’école catholique, dans la région des Grands Lacs, doit mettre tout en ouvrant pour éduquer à cette unité du genre humain, au-delà des particularités nationales, ethniques, tribales, idéologiques, sociales et culturelle. Monseigneur Vincent Harolimana a exhorté les participants à faire le tout possible pour faire de l’école catholique, dans la région des Grands Lacs si meurtrie, un instrument de changement. En effet, comme l’affirme, le concile Vatican II (Gravissimum Educationis 6), l’éducation doit être « ouverte aux échanges fraternels avec les autres peuples pour favoriser l’unité véritable et la paix dans le monde. Le but que poursuit la véritable éducation est de former la personne humaine dans la perspective de sa fin la plus haute et du bien des groupes dont l’homme est membre et au service desquels s’exercera son activité d’adulte ». Le concile encourage une éducation permettant l’ouverture et les échanges avec les autres peuples, dans le but de construire la paix. Dans ce sens, l’école catholique, dans la région des Grands Lacs, doit être un espace où s’apprend l’ouverture et l’esprit d’échange entre les peuples de cette région. Elle doit également se fixer l’objectif d’éduquer au vivre ensemble, dans une région la plus catholique et malheureusement la plus meurtrie d’Afrique.

Monseigneur Vincent Harolimana a encouragé les participants à s’inspirer des propos du pape François demandant à ce que l’éducation catholique reprennent les valeurs africaines d’hospitalité, d’accueil  et de solidarité. Le Saint-Père a, en effet, rappelé à la délégation qui lui a remis le Pacte Éducatif Africain l’urgence d’articuler les valeurs visant à renforcer la communauté avec les valeurs transcendantales relatives à la connaissance de Dieu. Reprenant le message du Pape adressé aux participants au premier congrès africain sur l’éducation catholique, l’évêque a demandé à ce que l’école catholique réponde puisse répondre, dans cette région d’Afrique, au besoin des hommes et des femmes « capables de faire des choix positifs et constructifs, d’être des décideurs de demain, ayant à cœur l’édification d’une société toujours plus fraternelle et au service de tous, dans le respect du bien commun. En effet, une éducation de qualité est un signe d’espérance et une base solide pour la coexistence pacifique dont l’Afrique a besoin aujourd’hui ». En terminant son message d’encouragement, au nom de tous les évêques, membres de l’ACEA, Monseigneur Vincent Harolimana a tenu à dire que l’Eglise Famille de Dieu et les populations de la région des Grands Lacs regardent l’école catholique avec confiance et espérance et croient en sa capacité à s’améliorer et à se renforcer en vue de jouer un rôle important dans la préparation d’une région apaisée où la fraternité et la solidarité remplaceront les guerres et les conflits fratricides.

A la lumière de ces apports théoriques, les participants ont épinglé quelques aspects de l’école catholique dont ils sont fières. Mentionnions, entre autres, la discipline et l’encadrement ainsi que la qualité des apprentissages. Néanmoins, ils ont exprimé que certains éléments devraient faire l’objet d’une attention particulière dans le cadre du Pacte Éducatif Africain. Au Burundi, en République Démocratique du Congo et au Rwanda, les paroisses et les congrégations crées de plus en plus des écoles privées. Celles-ci voient leur nombre accroître de façon exponentielle. L’histoire politique relative à l’éducation scolaire, dans les trois pays, anciens colonies de la Belgique, a donné lieu aux écoles catholiques sous convention entre l’État et l’Église. Les écoles conventionnées sont gérées par l’Église et l’État en garantit les moyens de fonctionnement (salaires des enseignants, les frais d’entretien, etc.). Les participants ont montré que, dans les trois pays, l’Église perd de plus en plus d’influence et que les États ne cessent d’augmenter son contrôle sur les écoles conventionnées. Ceci intervient dans le contexte généralisé de l’affaiblissement de la qualité de l’éducation assurée par les écoles conventionnées, lesquelles écoles sont fréquentées de plus en plus par les enfants issus des milieux modestes. Ces écoles ne bénéficient pas de moyens suffisants pour assurer une éducation de qualité. On y trouve des classes surpeuplées. Face à ce problème majeur affectant les écoles catholique conventionnées, l’Église crée des écoles privées dans lesquelles elle peut assurer une éducation de qualité et bénéficie d’une grande liberté pédagogique et administrative.

En terminant ce séminaire, les participants se sont engagés, avec l’appui de l’Institut Pacte Éducatif Africain, à préparer les tous premiers congrès nationaux dans leurs pays respectifs afin de doter l’école catholique de nouvelles missions inspirées du Pacte Éducatif Africain et du contexte conflictuel prévalant dans cette région. Ils se sont engagés également à remédier aux dérives marquant de plus en plus les écoles catholiques privées, à savoir l’élitisme, le renforcement des inégalités sociales et la fragmentation sociale. Pour cela, il a été proposé que les directives du Pacte Éducatif Africains visant à réserver un certain pourcentage aux enfants issus des milieux modestes dans les écoles catholiques privées soient promulguées par les évêques de l’ACEAC. Cela devrait concerner aussi bien les écoles catholiques privées tenues par les paroisses que celles promues par les congrégations. Quant aux écoles catholiques conventionnées, les participants demandent aux évêques de travailler dans le sens du renforcement du dialogue entre l’Église et l’État. Jusqu’ici, l’État reconnaît à l’Église le rôle d’organisation et de gestion des établissements sous convention. Les évêques devront donc, selon les participants, reprendre les négociations avec les États pour que le projet éducatif de l’Église soit également mis en pratique dans les écoles catholiques conventionnées. Il a été demandé que l’État devrait assurer les moyens à l’Église pour mettre en œuvre le projet éducatif de cette dernière dans les écoles catholiques conventionnées.

Ce séminaire a rassemblé les secrétaires généraux de l’enseignement catholique, les coordinateurs nationaux du Pacte Éducatif Africains ainsi que des experts de l’éducation venant du Burundi, de la République Démocratique du Congo et du Burundi. Était présente également, comme invitée, la délégation de la conférence épiscopale de la Guinée Équatoriale composée du père Fernando  Ignacio Ondo Ndjeng Afang, président de l’Office International de l’Enseignement Catholique (OIEC), et du professeur Andrès Oyono Nguema Nchama, doyen de la faculté de sciences humaines de l’université nationale de Guinée Équatoriale.

Le séminaire a été organisé par l’Institut Pacte Éducatif Africain en partenariat avec le Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique de la Belgique francophone. Ce projet pilote de séminaire régional se poursuivra avec d’autres pays africains, dans le cadre de l’implémentation du Pacte Éducatif Africain.

Jean-Paul Niyigena